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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 09:29

« Le commandement des hommes est un art aussi vieux que le monde parce qu’il fait appel au cœur autant qu’à l’esprit, parce qu’il conjugue la pensée et l’action, parce que toute recette lui est fatale.

Mais c’est un art appliqué : ses voies et moyens doivent s’adapter à la circonstance et surtout aux hommes sur lesquels il s’exerce, parfois même à chacun d’eux. »

Général d’armée LAGARDE, Chef d’état-major de l’armée de terre, 1980

 

Extrait de l'excellent blog Médiation et Intelligence sociale

 

Tentons, poursuivons plutôt, le parallèle des similitudes entre une force militaire en opérations et une entreprise. Si l’on voulait transposer à l’entreprise la sémantique militaire, le terme de commandement pourrait devenir une conjonction alliant le management et le leadership. Pour autant, le chef est le chef – et identifié ainsi lorsque l’on parle de lui – qu’il soit manager, général ou directeur de projet, et il passe tôt ou tard par une phase de commandement au moment où il « passe commandes » à ses subordonnés d’un certain nombre de ses intentions et décisions.

Mais plutôt. L’étymologie latine du mot commander, « commendo » : confier quelque chose à quelqu’un, ouvre des pistes de réflexions et illustre la description du Général Lagarde. Commander n’est pas un geste technique dévalorisé, mais consiste en un élan alliant l’esprit et le cœur au sein duquel la relation de confiance entre personnes est primordiale. Commander, c’est confier ses vœux, ses choix, ses décisions, ses souhaits, dans un rapport de confiance et aussi de délégation, puisqu’il s’agit de donner à quelqu’un d’autre la responsabilité de faire et dire quelque chose à sa place.

Fort de cette compréhension et pour aller plus loin dans cette analyse, je m’appuie sur l’enseignement que je dispensais aux jeunes managers opérationnels dans une école nationale militaire, pour tirer une synthèse dans ces billets, que je pense utile de présenter car elle est transposable au management au sein des entreprises. Toutes choses étant égales par ailleurs, bien entendu, notamment en matière d’enjeux. Nous nous focaliserons sur la conduite des hommes dans des situations exigeantes, par des managers soucieux d’intelligence collective.

Il ne s’agit pas d’un bref catalogue de bonnes intentions maintes fois rabâchées et sans substance. Mais plutôt, les préceptes, que j’énonce ici, forment la structure et les fondamentaux du cadre général de l’exercice de l’autorité que j’ai mis en place, constatés et enseignés, dans les organisations où s’exercent le management de forces militaires dédiées au combat. Je m’appuie sur des documents officiels de diverses sources, synthétisés. Je peux les fournir car ils sont en documentation ouverte.

Ils s’articulent simplement en deux volets.

Le premier (1er billet) permettra de décrire les six principes systémiques qui conditionnent l’efficacité du commandement : la simplicité, l’unicité, la permanence et la continuité, la subsidiarité et la décentralisation, le dialogue de management et la proximité.

Le cadre d’un management efficace étant fixé, le deuxième volet (2ème billet) s’appesantira sur les qualités du chef qui l’exerce : le leadership, le courage, la responsabilité et la confiance en soi, l’intuition, la capacité à développer la confiance, le sens de l’intérêt général, la persuasion et la crédibilité, le discernement et enfin la sérénité.

Six principes pour la qualité de l’organisation

La simplicité

On reproche la technocratie à l’administration. Son organisation, sa structure et ses processus décisionnels sont complexes et incompréhensibles.

La simplicité dans ces trois domaines est un gage d’efficacité.

La hiérarchie des forces militaires déployées est lisible, diffusée, articulée par ensembles accompagnés des niveaux de l’autorité des chefs sur les moyens affectés.

L’unicité

Un seul chef, bien entendu. Mais cette situation est rare. La multiplicité des projets, des équipes, des groupes, des parties prenantes etc., cas le plus fréquent, fait apparaître très naturellement un nombre exponentiel de responsables.

S’impose alors la vigilance d’identifier et de décrire un management unique par niveaux de responsabilité, par phases opérationnelles et par projets, appréhendant tous l’unicité du but, de la stratégie et de la vision de l’entreprise et de son chef.

Dans la manœuvre militaire, et dans son langage, c’est « l’intention du chef » – qui s’exprime par un verbe assorti du complément de ses objets, directs et indirects : avec qui, avec quoi, contre qui, contre quoi, quand, où ? L’intention du chef, connue de tous, permet la convergence de toutes les actions et de leurs effets.

La permanence et la continuité

Le chef est là, même lorsqu’il n’est pas là ! Pardonnez-moi cette formule triviale. Mais pourtant, le besoin de chef, le besoin de manager est un constat parfois douloureux lorsqu’il n’est pas satisfait. Il faut un chef en permanence.

Dans la durée, d’abord : accorder aux managers un droit à une erreur, et surtout le devoir de ne pas la commettre une nouvelle fois, constitue un atout pour la permanence.

Les managers mobiles, en raison de leurs responsabilités, manquent à leurs équipes sédentaires. Il est important d’assurer un représentant de l’autorité proche d’elles pour assurer la permanence du management : la désignation d’un adjoint doit être envisagée.

Enfin, la continuité du management est améliorée lorsqu’une cohérence dans le rythme opérationnel et la rigueur des procédures sont assurées et perçues par les collaborateurs.

La subsidiarité et et la décentralisation

La diversité des idées qui se concrétisent dans les projets, la multiplicité des tâches et actions à accomplir, l’ampleur des moyens à engager et à gérer et la nécessité de vérifier l’atteinte des résultats rendent vitale la délégation des responsabilités dans une décentralisation organisée, structurée (rôle – tâches) et contrôlée.

Le chef évite à tout prix de s’immiscer dans la conduite de ses collaborateurs ayant reçu une délégation ; il respecte leur périmètre : de minimis non curat praetor (le chef ne se soucie pas des détails). Ce qui lui donne une bonne occasion par ailleurs d’aller voir comment ses responsables délégués s’en sont souciés…

Le dialogue de management

Je ne veux pas parler ici de la capacité de dialogue du manager. Il sera vu plus loin.

Mais, le dialogue de management concerne ici les flux d’échanges permettant aux managers d’exercer leurs responsabilités avec la compréhension de l’environnement, et donc pertinence et intelligence de la situation.

Le dialogue s’établit verticalement d’abord. L’organisation et les processus arrêtés doivent permettre l’unité des vues par des échanges, un dialogue et des relations de qualité.

Horizontalement, ensuite, c’est la coordination et la cohérence transversales qui sont en jeu.

Dans ces deux cas géométriques, il s’agira que la stratégie et sa compréhension puissent irriguer aisément en permanence le dialogue et les flux des échanges. Il existe des outils pour cela qui méritent d’être appuyés sur une véritable dynamique d’ouverture et de rencontres planifiées et structurées.

La proximité

En transition avec le volet suivant, qui détaillera les qualités du chef, et en complément de ce qui a été esquissé plus haut, le principe de proximité vaut pour toutes les organisations, militaire, associative, administrative ou entrepreneuriale.

Pour combattre, là encore, la voie techno-centrée des décisions – objet de nos incessantes récriminations -, seule existe la solution pour le manager de se rendre compte « en première ligne » de la réalité de la situation pour laquelle il agit. Questionnant les acteurs et exécutants « du front », se rendant compte par lui-même d’éléments situationnels qui confirment ou infirment son appréciation, le manager aura une perception réaliste du mental des hommes, des moyens matériels, des énergies, des valeurs etc. Il deviendra un chef de confiance car « il connait ».

Dans ce but, le manager doit se tenir informé de l’évolution des situations, souvent rapide et sans alerte. A cet effet, il doit prévoir et disposer d’une organisation de management permettant de contrôler dans le temps, par projets et selon les efforts, les variations de la situation en fonction des effets de ses décisions, et notamment des écarts qu’il constate entre les effets attendus et les effets atteints. L’intelligence, le renseignement, a ici toute sa place. Une attention toute particulière doit être portée à cette fonction de proximité de la situation.

Enfin, et sans doute surtout, le manager montre l’exemple par sa présence dans les moments de stress ou d’efforts intenses. Il montre ainsi qu’il partage la charge et il assume en quatre yeux les décisions qu’il a prises. Cet aspect humain constitue un facteur clé du succès dans ces conditions puisque le manager pourra se rendre compte des effets du stress sur ses collaborateurs, afin d’en corriger les facteurs. La structure organisationnelle doit lui permettre cette proximité, qui guide le volet social de son action.

Pour conclure ce premier volet.

Dans une structure militaire, ces principes organisationnels sont vitaux, car les enjeux le sont aussi. Pour relever ces défis, l’intelligence sociale, qui conceptualise et structure, a pour principale fonction de faciliter les échanges d’informations fiables et utilisables au bon tempo. Ils procèdent de la planification de véritables systèmes de relations de qualité qui supportent des flux convergents, puissants, pertinents et itératifs entre les différents niveaux de conception et d’exécution.

Ils sont applicables dans l’entreprise.

Ces six principes sont nécessaires, mais ils ne sont pas suffisants.

A la tête de ces organisations, sont placés des hommes qui possèdent des qualités de chef ou, du moins, celles que l’on attend d’eux. Ces qualités, qui ont été théorisées, sont les fondamentaux de la formation des jeunes managers de l’armée de terre. Le prochain billet les présentera.

Extrait de l'excellent blog Médiation et Intelligence sociale   

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