Le coupable n’est pas toujours celui que l’ont croit
« Vous verrez !!!
Notre Chiffre d’affaire a chuté de 35 % là où le marché est resté stable, les meilleurs dans notre secteur ont une croissance moyenne de 10 % et les plus mauvais ont chuté de 40%, vous verrez que malgré cela, fin février quand je ferais le cumul des feuilles d’évaluations tout le monde aura été bien évalué avec des bonus à la clé ».
C’est ainsi que le directeur général d’une PME de 250 personnes, concluait notre entretien, il ya quelques jours de cela.
A l’origine, il sollicitait les services du cabinet pour former ses 25 managers à mener un entretien de fin d’année.
Comme beaucoup de managers en cette fin d’année, il voulait rapidement une formation sur catalogue en « mode pompier » pour éviter que les entretiens planifiés de janvier à février ne se déroulent mal selon ses indicateurs.
Fidèle à notre démarche, je ne pouvais lui envoyer un programme sur 2 jours format Word, avec devis et planning sans nous être pleinement appropriés la situation et en comprendre l’intégralité des tenants et aboutissants.
1H après qu’il ait raccroché, je reçus par mail, la liste des personnes que je lui avait indiqué vouloir rencontrer, préalable avant toute intervention ainsi que les différents documents utilisés pour mener les entretiens.
Mon audit pouvait démarrer
Le support de l’entretien annuel
Est parfait compotant 3 parties avec à peine 2 pages
1° bilan des objectifs fixés (quantitatifs et qualitatifs)
2° maîtrise de l’emploi (activités et responsabilités)
3° objectifs de l’année à venir
Avec même, ici et là de bonnes pratiques
Au niveau de l’emploi, 2 rubriques
le point fort dans l’emploi
l’opportunité d’amélioration dans l’emploi
3 signataires : le collaborateur, le manager et le N+1 du manager.
Un support qui a su éviter la plupart des habituels écueils des supports d’évaluations:
- Trop compliqué, trop lourd, souvent incompréhensible pour les acteurs. Souvent conçu tout seul par un spécialiste RH, qui n’a pas jugé utile d’en parler avec les utilisateurs
- Ou à l’inverse une feuille volante essentiellement axée sur la fameuse prime que tout le monde espère avoir en fin d’année, quelle que soit la santé de l’entreprise.
Le coupable de la situation de mon client n’est donc pas le support.
La direction des ressources humaines
J’ai été reçu par une vraie directrice des ressources humaines, passionnée par sa fonction et formée pour son métier.
Pour elle, l’évaluation de fin d’année constitue un moment fort de l’entreprise et elle le pilote comme tel.
Dès fin novembre, elle démarre sa campagne
1ère étape : en comité de direction, elle annonce à ses collègues le début de la campagne
2ème étape : elle affiche dans les locaux de l’entreprise et communique sur l’intranet auprès des collaborateurs et les encourage à se préparer pour faire de l’entretien une réussite
3ème étape : elle réunit les 25 managers par groupe de 8 et pendant 2 heures, revient sur
- Le support
- Le fond et la forme de ce type d’entretien
- Les priorités en terme de formation dans leur branche
Elle répond à leurs questions et leur transmet un tableau de leur département, avec une colonne dans laquelle, ils n’ont plus qu’à mettre les dates des différents entretiens de leur département
Elle a su éviter les attitudes telles que
- « c’est la même chose chaque année, ils n’ont pas besoin qu’on leur rappelle quoi faire et comment le faire »
- « j’attends qu’ils me renvoient les feuilles d’évaluations, sinon fin février je vais les harceler comme à chaque fois »
Ce n’est donc pas la DRH qui est à l’origine de la situation de mon client.
Les évaluateurs
Pour certains managers, l’évaluation de fin d’année est une étape administrative de plus, qui n’apporte rien et qu’il faut le faire parce qu’on n’a pas le choix : donc il arrive qu’ils cherchent à s’en débarrasser, et souvent dans ce cas, l’entretien dure à peine 30 minutes, voire moins, et seul le manager parle en indiquant au collaborateur ce qu’il pense de lui.
Ici, rien de tout cela car les managers ont tous suivi une formation, 2 ans auparavant, sur le sujet et ils appliquent les acquis de cette formation.
- Réservent une salle pour réaliser leur entretien
- Prévoient un créneau de 2 heures
- Laissent leur téléphone portable dans leur bureau
- Préparent leur entretien
- Impriment les comptes rendus des différents entretiens tenus dans l’année et les différents tableaux de bords
- Savent comment mener un entretien
- Maîtrisent le questionnement
- Savent gérer les contradictions lors de l’entretien
Ce n’est donc pas eux les coupables de la situation actuelle de l’entreprise.
Les collaborateurs
Les collaborateurs sont informés au moins 8 jours à l’avance de l’entretien, ils reçoivent pour ceux qui l’ont perdu le document de l’année précédente.
Ils savent que
- ils ne sortiront pas de l’entretien avec le montant de la prime
- le cœur de l’entretien c’est un bilan de leurs activités, de leurs résultats et surtout de la maîtrise de leur emploi
- le bonus n’est qu’une conséquence de l’évaluation annuelle.
Un support adéquat, une DRH qui pilote la campagne, des collaborateurs informés, des managers formés : quel est donc le problème de ce dirigeant ?
La qualité et la nature des objectifs
Avant le débriefe avec le DG, j’ai souhaité faire un point d’étape avec la DRH, il ne me restait plus beaucoup de pistes possibles.
J’ai donc demandé à analyser des feuilles d’évaluations remplies les années précédentes : là encore, une fausse piste.
Les objectifs étaient MALINS (Mesurable, Atteignable, Librement consenti, Intelligent, Normal, Séquencé)
Ici des objectifs en nombre de factures saisies dans un certain délai , là des objectifs en terme de recouvrement effectués dans un délais de 45 jours, ou encore des objectifs en nombre d’opérations de « trade marketing » effectués dans l’année , ou bien encore des objectifs en terme de produits fabriqués avec moins de X % de défaut, etc.
La clé est venue lors du débriefe avec le DG
L’entrevue a démarré comme elle s’était terminée la première fois
« N’est ce pas qu’il faut les former mes managers, vos concurrents qui les ont formés il y a quelques années n’ont pas su s’adapter à nos contraintes, à nos particularités »
« Je vais devoir féliciter et récompenser tout le monde alors que nous sommes totalement déconnectés du Marché »
« Alors vous allez me former mes 25 managers avant la fin de l’année ?»
Et là, j’ai enfin trouvé la clé de l’énigme !!
Les fameux indicateurs du DG, non pas la chute de 35 %, mais ceux permettant le comparatif par rapport au marché : lui seul a accès et suit ce type d’indicateurs.
Les seuls autres collaborateurs avec des objectifs de performance financière font partie de la direction commerciale et ce ne sont que des objectifs exprimés en marge et pas du tout liés à la performance du marché.
Plutôt que de former les 25 managers, nous avons donc retravaillé d’abord avec le DG, puis avec le comité de direction pour mettre en cohérence les objectifs de la direction générale avec celui de toute la hiérarchie et déclinés jusqu’au dernier échelon pour l’année prochaine
Pour cette année, plutôt que de répondre à la demande initiale de notre client et mettre en place une formation couteuse en temps et en argent et finalement inefficace, nous avons mis en place une solution adaptée au besoin réel : une « hot line » pour accompagner les managers qui ont des difficultés avec certains profils de collaborateurs, leur permettant de joindre un consultant qui répond à leurs questions et les aident à préparer leurs entretiens difficiles.
Nous avons enfin trouvé le coupable chez ce client, et chez vous quelqu’un a-t-il tué l’entretien annuel ? Le connaissez-vous ? L’avez-vous arrêté ?
Said AGBANRIN et toute l’équipe de MANEGERE