Nous assistons depuis une dizaine d'années à un engouement pour le management des talents, à tel point que certains experts en management préconisent de remplacer la gestion des ressources humaines par le « talentship ». Pourquoi pas, mais qu'entend-on par talent ? En quoi ce concept se différencie-t-il de la gestion par les compétences ? Quelle est sa valeur ajoutée ? Quelles sont les incidences pour le manager ? Le talent, parlons-en…S'il n'existe pas à ce jour de formulation communément admise pour décrire ce terme, tournons nous vers sa définition littéraire. Assimilé à un don, à une faculté, le talent, du latin talentum, désigne une capacité particulière, une habileté naturelle ou acquise pour réussir en société ou dans une activité donnée. Apparu dans les années 2000, dans un contexte de risque de pénurie de main d'œuvre et d'hypercompétition, le management des talents est né dans le but d'investir sur l'excellence d'un petit nombre de personnes-clés, les hauts potentiels. Les entreprises se sont donc engagées sur le chemin du « talent management » en vue d'attirer les rares personnes détentrices de ce précieux capital. Dans ce cadre, le talent serait une compétence spéciale qui n'apparaitrait pas dans le référentiel habituel des compétences. Mais alors, qu'est-ce qui différencie une compétence d'un talent ? Le talent, qu'est-ce-que c'est ?Différent de la compétence, qui est avant tout d'ordre cognitif (savoir), le talent est une capacité naturelle, facile à mobiliser, qui procure du plaisir et qui mène très souvent au succès. S'il est aisé d'apprendre à animer des réunions (logique compétence), il est parfois plus ardu d'acquérir des aptitudes de visionnaire, d'esthétisme, d'originalité, d'Empathie, de débrouillardise ou encore de persuasion (logique talent), surtout si nous n'en avons pas vraiment envie. Si la compétence est un savoir-faire, le talent est un aimer-faire. Manager les talents permet de concilier, en agissant sur un seul levier, les besoins de l'entreprise (performance) et du salarié (épanouissement personnel). Qui a du talent ?Initialement considéré comme unique et rare, il semble à présent admis que chaque personne possède naturellement un ou plusieurs talents. Certains ont su les identifier et les valoriser, d'autres non. L'entreprise qui saura détecter les talents de chaque collaborateur disposera d'une « ressource naturelle » sur laquelle elle pourra s'appuyer pour générer de l'intelligence collective. Manager les talents, pour quoi faire ?Si la compétence et le talent sont tous deux des capacités, ils ne sont pas exploitables dans le même but, ni de la même manière. Manager par les talents suppose de changer quelques paradigmes. 1/ Conjuguer performance et bien-êtreLe management par les compétences suppose que pour réussir, il faut savoir tout faire et améliorer ses points faibles. A ce titre, les entreprises évaluent le niveau de maîtrise des compétences d'une personne sur la base de référentiels et investissent sur des actions de développement (formation, coaching…), afin d'arriver au niveau de conformité désiré par l'entreprise (parfois sans s'assurer du désir profond d'apprentissage du salarié). Différente, l'approche par les talents repose sur le principe selon lequel il est rare qu'une personne sache tout faire et que pour réussir, il faut avant tout investir sur ses points forts, les points faibles devant être compensés par ailleurs (par exemple, en réorganisant partiellement les activités selon les talents de chaque membre de l'équipe). Ainsi, au lieu de former Roger à l'Affirmation de soi pour qu'il apprenne à imposer ses décisions (approche compétence), il serait plus pertinent de valoriser sa très forte capacité de médiation de manière à développer un style managérial plus approprié à sa personnalité : le management collaboratif (approche talent). Autre solution, mobiliser les talents de persuasion de Carine en lui délégant la responsabilité du pilotage des résultats. Nouveau paradigme : Miser sur les points forts au lieu de lutter contre les points faibles. 2/ Gagner en flexibilité pour évoluer avec facilité dans un monde en permanente mutationLe management par les compétences s'appuie sur la notion de prévisibilité. Levier essentiel de la Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences (GPEC), cette démarche prenait tout son sens dans un monde stable tel que nous l'avons connu au XXème siècle. Elle devient inefficace dans un environnement en perpétuel changement. Le management par le talent part de la personne et n'est pas fondé sur des processus formels. L'entreprise prend le temps d'explorer avec chaque salarié les activités qui lui procurent du plaisir et identifie ses aptitudes naturelles qu'elle pourrait mobiliser en fonction de sa stratégie et de ses projets, à temps plein ou à temps partiel. Le but est de s'affranchir partiellement de la standardisation et du cloisonnement (descriptions de poste), de manière à mettre la bonne personne à la bonne place, afin de favoriser la complémentarité, libérer les initiatives et générer de la co-création de valeur. Nouveau paradigme : Partir de la personne afin d'affecter des missions qui valorisent les talents naturels. 3/ Instaurer une relation de confiance et de co-responsabilitéLes modes de management que nous connaissons reposent sur les principes de subordination et de conformité. L'entreprise définit ce qui doit être fait et comment le faire, recherche le salarié qui répond aux critères et lui demande d'appliquer ses prescriptions. Elle crée ainsi un rapport Parent/Enfant. Manager par le respect des normes comporte des avantages (l'entreprise maîtrise la production), mais crée également des inconvénients : déresponsabilisation et infantilisation. Le management par les talents diffère dans la mesure où l'entreprise négocie avec le salarié les résultats à atteindre et lui laisse le degré d'autonomie dont il a besoin pour libérer ses talents naturels. A ce titre, elle crée un rapport Adulte/Adulte, générant ainsi plus de confiance et de responsabilité. Nouveau paradigme : Négocier les résultats et laisser la liberté de choix sur les procédés. Le management des talents : un nouveau modèle adapté à la réalité du XXIème siècleTableau : principales différences entre le management des compétences et des talents
Francis Boyer, Coach, formateur et consultant en innovation sociale |
Féliciter, témoigner à l'autre notre estime ou exprimer que l'on prend part à la joie que lui causent un succès, un événement agréable, quoi de plus naturel ?
Pourtant, force est de constater que les mots peinent parfois à s'imposer à nous pour formuler notre contentement à l'égard de la réalisation, de la qualité pourtant reconnue.
Peut-être parce que notre observation est fugace, déjà passée à autre chose avant d'avoir été formulée. Ou bien l'on craint de créer chez l'autre un renflement de l'égo qui le rendrait suffisant ou plus exigeant.
« La pudeur sied bien à tout le monde ; mais il faut savoir la vaincre et jamais la perdre. » Montesquieu
Mais parfois, la difficulté à féliciter est l'expression d'une pudeur.
« Si mon chef ne me fait jamais de compliments, ce n'est pas forcément par absence de regard ou de reconnaissance…mais par réserve, discrétion, bienséance ».
Pourquoi pas ?
Une manifestation de la pudeur est la propension à se retenir de relever quelque chose qui concerne la personnalité, la façon d'être. Elle est une délicatesse.
Dans les relations de travail, elle prend alors la forme d'une distance que l'on installe entre la sphère privée et la sphère professionnelle, une manière de ne pas risquer de « toucher » l'autre.
Eviter de provoquer son malaise et par là-même, le nôtre.
Car si, au XVe et XVIe siècle, féliciter signifie « rendre heureux » ()…jusqu'à la félicité, on est alors dans une presque-intimité. On suscite chez l'autre une émotion, a priori la joie, et l'on en devient aussi le témoin. On sort du terrain d'échange strictement opérationnel pour s'aventurer sur un terrain moins balisé où il y a échange d'émotions. On se livre aussi un peu en montrant que l'on a regardé, évalué, ressenti. Ou l'on s'arroge un droit, l'autorité de juger que quelque chose est « bien » et mérite d'être souligné.
Alors éprouver une retenue à féliciter peut être légitime et il ne s'agit pas d'user du compliment comme de la recette-miracle du bonheur au travail -l'excès en la matière n'aurait pas l'effet voulu !- mais de tenter, parfois, un pas vers une remarque sincère qui dévoile que l'autre est bien là pour nous !
Valérie Bergère pour
CADRES - 8% des cadres ont changé d'entreprise l'an dernier, soit le taux de mobilité le plus élevé depuis plus de trois ans.
Reuters/Kai Pfaffenbach
Avec le retour des embauches, les cadres reprennent goût au changement: ils sont plus nombreux à avoir quitté leur boîte ou changé de postes de leur plein gré en 2011, selon l'enquête annuelle de l'Apec.
Les cadres se sont remis à bouger
Le changement, c'est aussi maintenant pour les cadres, à en croire la dernière étude de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) sur la mobilité. La reprise des recrutements en 2011 les a progressivement poussés à reprendre leurs carrières en main: 8% d'entre eux ont quitté leur boîte pour une nouvelle maison l'an dernier, contre 7% en 2010 et 5% seulement en 2009. "Le ralentissement constaté depuis quelques mois pourrait jouer sur le comportement des cadres, qui seraient au final moins nombreux à changer d'entreprise dans un avenir proche", prévient toutefois, prudent, Bertrand Hébert, le directeur général de l'Apec.
Les jeunes papillonnent plus
Les jeunes cadres se montrent beaucoup plus mobiles que leurs aînés pour qui il est plus rare, mais aussi nettement plus ardu, de changer d'entreprise. La différence est très nette: 20% des cadres de moins de 30 ans ont intégré une nouvelle société l'an passé, contre 3% seulement des plus de 55 ans. Les jeunes aiment le changement -ils sont plus nombreux à quitter leurs entreprises volontairement- mais aussi plus exposés à la précarité, les CDD à répétition expliquant aussi une partie des changements d'employeurs.
Leurs aînés rêvent moins de changement
Si les cadres de moins de 35 ans sont un sur deux à souhaiter changer d'entreprise, leurs aînés se montrent plus casaniers: passés 50 ans, ils ne sont plus que deux sur dix à vouloir changer de crèmerie. Jusqu'à 50 ans, la part des cadres qui veulent quitter leur entreprise pour créer leur propre structure est en revanche stable, à environ un sur dix.
La mobilité est souvent souhaitée
65% des cadres qui ont quitté leurs entreprises en 2011 ne sont pas passés par la case chômage. C'est cinq points de plus qu'en 2010, ce qui tend à prouver que "les cadres ont ainsi été plus nombreux [huit sur dix, NDLR] à faire la démarche de quitter volontairement leur entreprise", analyse l'Apec.
Les licenciés rebondissent plus vite
Parmi les cadres qui ont connu une période de chômage après leur départ de l'entreprise, seul un quart assimile leur changement de travail à une promotion, contre 47% de ceux qui sont partis de leur plein gré. Un tiers pense même que son périmètre de responsabilité s'est réduit. Néanmoins, le délai de retour à l'emploi s'est raccourci en 2011: 56% des cadres ont retrouvé un poste en moins de six mois, contre 50% seulement un an plus tôt.
Les changements internes restent stables
"En 2011, la part des cadres qui ont changé de poste dans leur entreprise a atteint 8%, une proportion identique à celle des deux années précédentes", observe l'Apec. Si l'on y ajoute les cadres dont les missions ou le lieu de travail ont changé, "18% ont connu une forme de mobilité interne en 2011". Par contre, les circonstances ont changé depuis l'année précédente: 63% des cadres étaient volontaires, contre deux points de moins en 2010.
40% des cadres pensent à partir
A la question de savoir s'ils songent à quitter leur employeur dans les trois ans à venir -pour une autre boîte ou leur propre entreprise- 40% des cadres répondent oui. Certains rêvent d'un meilleur salaire ou d'un nouveau défi professionnel, quand d'autres cherchent surtout à fuir des conditions de travail difficiles, une insatisfaction chronique ou l'absence d'évolution: les moins de 30 ans plutôt pour la première raison, et les plus âgés par dépit. Huit sur dix ont d'ailleurs commencé à surveiller les offres, à retravailler leurs CV ou à expédier des candidatures.
Etude réalisée à partir de deux enquêtes en ligne, l'une pour étudier les mobilités professionnelles des cadres (circonstances du changement, évolution des missions, niveau de satisfaction) auprès de plus de 15 000 cadres, et l'autre sur les taux et intentions de mobilités externe et interne, auprès de 3000 cadres.
Par Alexia Eychenne
Pour conserver les collaborateurs à haut potentiel, la sagesse conventionnelle est trompeusement simple: il faut les identifier, les développer, et favoriser l’émergence de leurs talents. En accordant une attention particulière aux personnes les meilleures, celles-ci resteront dans l’entreprise et finiront par émerger en tant que dirigeants clés.
Mais traduire cela en actions est souvent beaucoup plus difficile. De nombreuses entreprises ont du mal à garder leurs meilleurs employés, en dépit des investissements réalisés dans la gestion des talents. Une étude réalisée en 2011 par le Corporate Executive Board a indiqué que « 25% des employés identifiés comme hauts potentiels par leur employeur indiquent avoir l’intention de quitter leur entreprise actuelle dans l’année, contre seulement 10% en 2006 ». Par ailleurs l’étude a également montré que 40% des mobilités internes des collaborateurs à haut potentiels se sont soldées par un échec.
Ainsi, malgré l'accent mis sur la fidélisation des hauts potentiels, pourquoi les organisations ont-elles autant de mal à concrétiser ces actions ?
Ron Arkenas suggère dans son article deux raisons pouvant l’expliquer :
Malheureusement, s'engager dans un dialogue favorisant le développement des hauts potentiels est bien étranger à de nombreux managers et peut causer tout autant d'anxiété, que la nécessité de différencier les collaborateurs les uns des autres. La plupart des managers tenteront d'éviter les discussions de coaching, en particulier avec les collaborateurs qui ont plus de potentiel qu'eux même.
Pris ensemble, ces deux malaises jumeaux de différenciation et de dialogue favorisant le développement entravent les programmes de développement des hauts potentiels, même lorsque les dirigeants et les ressources humaines fournissent un travail de qualité en termes de centralisation des évaluations, des opportunités de mobilité et de programmes de formation. Ces deux raisons peuvent en partie expliquer pourquoi tant d'entreprises ayant identifié des hauts potentiels n’arrivent pas à les retenir.
Pour augmenter les chances de succès des programmes d’identification, de développement et de fidélisation des talents, les dirigeants doivent non seulement se concentrer sur les programmes d’identification des collaborateurs à fort potentiel, mais aussi veiller à prévenir les inquiétudes sous-jacentes des managers qui doivent les développer et les fidéliser. Une manière de répondre à ces inquiétudes est de demander à ce que les managers servent de mentor à un haut potentiel de leur propre équipe. Non seulement cette approche est profitable pour les employés identifiés à court terme, mais cela renforce également les managers dans leur capacité à différencier leurs collaborateurs selon la performance et à adopter la même démarche de dialogue favorisant le développement. Le mentor est dans ce cas tout autant gagnant que le mentoré.
Note de blog tiré de l’article : The Paradox of High Potentials, par Ron Arkenas, HRBOnline.
Les plus de 30 ans considèrent les 17-30 ans comme individualistes, réfractaires à la culture d'entreprise et peu fidèles ; les chefs d'entreprise, eux, pointent leur motivation, leur enthousiasme et leur ambition, tout en reconnaissant être parfois désarçonnés par leurs réactions (1). Comment gérer ces jeunes populations en entreprise?
En mai dernier, Sogeti remettait les prix du Défi H à trois équipes d'étudiants. En l'espace de cinq mois, chacune avait imaginé et réalisé un projet technologique qui améliore la vie quotidienne des personnes handicapées, s'investissant sans compter dans cette initiative. «Les aînés pensaient pouvoir et carrière. La génération Y est axée sur la réalisation personnelle et professionnelle, l'intérêt du poste. L'ennui est leur premier ennemi et s'ils n'ont pas de pression intellectuelle, ils s'en vont», affirme Régis Duchamp, PDG de Promostim, spécialisée dans la promotion et la stimulation en entreprise. Les intéresser, c'est les faire participer activement, par des échanges réguliers, des objectifs à atteindre et des indicateurs précis. «Cela demande beaucoup de patience et d'énergie de la part d'un management qui doit être plus flexible», assure Alain Mlanao, managing director de Walters People, spécialiste du recrutement en intérim.
Les digital natives recherchent une autorité compétente et souple. Chez Spartoo, société d'e-commerce en forte croissance, pas de manager qui ne soit en même temps expert. «Il doit parfaitement connaître le métier de chaque membre de son équipe, pouvoir l'aider au quotidien et le remplacer si nécessaire», explique la DRH, Christine Milan. La communication doit être la plus transparente possible. Le PDG de Spartoo présente chaque trimestre les résultats de l'entreprise et sa progression aux salariés. Collaborateurs ou managers ont accès au même niveau d'information, connaissent les objectifs et la direction à suivre.
Sur le terrain, les jeunes actifs de la génération Y apprécient un mode de travail collaboratif. Des petits groupes de travail s'expriment régulièrement sur différents sujets chez Microsoft. À titre d'exemple, pas moins de onze groupes ont été créés en 2009 pour l'aménagement du nouveau «campus» à Issy-les-Moulineaux.
Questions de fond et esprit fun ne sont pas incompatibles au bureau. Le dispositif «Leo» d'Assystem accompagne stagiaires et nouveaux recrutés. Une web-TV, relayée sur les réseaux sociaux, donne la parole aux collaborateurs sur leur métier, l'ambiance, de façon décalée. Chaque stagiaire dispose de sessions de formation, est accompagné d'un tuteur et d'un parrain, challengé par un travail en petite équipe projet.
Pour les jeunes actifs, la flexibilité horaire n'est pas taboue. Chez Microsoft, les salles de réunion sont équipées de systèmes audiovisuels et d'audioconférence. Le collaborateur peut assister aux réunions sur place ou virtuellement. Il est aussi autorisé à décaler ponctuellement ses horaires. Enfin, travailler dur peut rimer avec ambiance cool. Les tables ont tout simplement disparu dans certaines salles de réunion de Microsoft, alors que des espaces de brainstorming permettent d'écrire sur les murs…
Par Christine Piédalu
(1) L'Observatoire social de l'entreprise Ipsos/Logica Business Consulting, réalisé pour le Cesi en partenariat avec Le Figaro et BFM, janvier 2012.
Mal être, épuisement professionnel, stress, violences envers les autres (et soi-même), conflits… Derrière ces symptômes ou pathologies se cache une histoire individuelle et collective dans le milieu de travail.
En tant que psychologue du travail, je suis bien sûr confrontée à ces récits d’histoires de vie au travail. Les personnes qui viennent me voir sont souvent déjà en « fin de course », ayant dépassé le « point de non retour »… (en arrêt longue durée, en dépression depuis plusieurs mois, en processus d’inaptitude…). Les issues possibles dans ce type de situations sont alors très réduites et la reconstruction personnelle longue.
Ces personnes en souffrance à cause de leur travail, ont vécu des événements professionnels difficiles auxquels s’ajoute une situation d’isolement. L’isolement professionnel et relationnel (mise au « placard », retrait des principales missions, disparition des pauses avec les collègues, des espaces de discussion…) est un facteur essentiel dans la descente vers une situation d’impasse menant parfois à une décompensation violente (ce que couramment on appelle le « pétage de plomb ») en milieu professionnel.
Le travail est bien une activité sociale. Notre production ou service s’adresse à l’autre en tant que client, collègue, confrère, patient, compagnon… On comprend aisément que la relation aux collègues, la possibilité de s’exprimer à propos de son mal être avec les autres salariés est un facteur crucial dans la faculté des individus à supporter ou non la situation de travail. Le soutien social au travail est un élément indissociable du bien être au travail.
En témoigne, cette étude récente de BVA pour son Observatoire du Travail 1 qui place les collègues de travail au premier rang des ressources dans la résolution des problèmes au travail. Cette étude va même plus loin dans la démonstration puisque les relations avec les collègues de travail constituent le premier critère de satisfaction au travail devant le contenu même du travail. La vie professionnelle est donc un espace social, d’échange, de construction de soi et de reconnaissance, essentiel pour chacun de nous.
Les discussions autour de la machine à café, les réunions d’expression des salariés, la porte ouverte d’un bureau, les discussions informelles autour d’une difficulté sont autant de possibilités données à chacun de s’exprimer sur le champ du travail et de ses à côtés. « Craquer » au travail n’est pas résultante d’un facteur ou événement unique, c’est une situation globale, une histoire souvent longue émaillée d’événements qui renforcent le sentiment d’impuissance et d’enfermement de l’individu.
La santé au travail est donc l’affaire de tous médecins, dirigeants, managers et salariés. La prévention des risques psychosociaux n’est pas seulement une obligation légale, elle est dans notre quotidien de travail une philosophie de la vigilance et de l’ouverture à la souffrance de l’autre autant qu’à notre propre souffrance.
Posté par Carole Micorek
Psychologue du Travail et consultante. Spécialisée dans le "Développement de la personne au travail."
Les entreprises présentent de sérieuses lacunes en matière d’intégration des nouveaux collaborateurs. Une étude du cabinet de recrutement Mercuri Urval fait le point sur la question.
Il reste encore du travail.
Lors d’une table ronde organisée le 22 mai dernier, à Lyon, par Mercuri Urval et la chambre de commerce Franco-suédoise, le cabinet de conseil a, étude à l’appui*, souligné les fortes lacunes des entreprises en matière d’intégration des collaborateurs.
Les résultats sont plutôt édifiants.
Près des 2/3 des entreprises sondées confessent ainsi ne pas avoir de processus d’intégration. Pire, près d’un salarié sur 2 n’envisage pas de faire de vieux os dans son entreprise. Ils pensent tout simplement partir avant la fin de la période d’essai. La moitié d’entre eux avance comme raison : la divergence de vues. Et c’est peu dire. L’enquête révèle un vrai dialogue de sourds entre employeurs et nouveaux collaborateurs.
Un marché de dupes
Tout commence par un marché de dupes.
Passant enfin les portes de l’entreprise, s’installant à son bureau pour la prise de poste, une part importante des collaborateurs a comme première surprise de constater qu’ils vont faire un job différent de celui qu’on leur avait vendu lors de l’entretien d’embauche.
« Les points qui reviennent souvent sont des différences de périmètres de postes, des différences de salaires ou encore des divergences de point de vue », pointe le cabinet de conseil RH.
Le dialogue débute mal.
Cela ne fait que s’empirer par la suite.
Les divergences ne cessent de s’accroître.
Il faut dire que ni les employeurs ni les nouveaux entrants ne sont d’accord sur la manière dont doit se dérouler la phase d’intégration. Pour les premiers, cela va prendre du temps pour que le nouvel arrivant apprivoise complètement ses tâches et se sente pleinement intégré. 86 % des employeurs tablent ainsi sur une période s’échelonnant de 3 à 12 mois. Le nouveau collaborateur, à l’inverse, rêve de faire rapidement partie de la famille. Pour lui, il lui faudra de 1 à 6 mois pour être pleinement intégré. « Cet écart s’explique par la perception optimiste du collaborateur qui aspire à se sentir intégré dès que possible (à l’issue de sa période d’essai) alors que le manager entend davantage par ‘intégration’ la maîtrise totale d’un poste, des missions attachées et de l’environnement professionnel qui n’est pas lié à la période d’essai » indique l’étude.
Divergence sur la définition d’une bonne intégration
Ensuite, employeurs et collaborateurs ne s’entendent pas mieux sur les signes d’une intégration réussie. Ils sont certes d’accord sur les principaux critères d’une bonne intégration, mais ne les classent pas dans le même ordre.
Pour les employeurs, l’écoute est primordiale (86 %). Vient ensuite l’adaptabilité (70 %) et enfin l’expression de ses interrogations (57 %).
Du côté des collaborateurs, savoir bien s’intégrer signifie s’adapter (79 %), être à l’aise pour poser des questions (62 %) et savoir ensuite écouter (56 %).
« Pendant la période d’intégration, de nombreux collaborateurs se mettent énormément de pression pour faire leur preuve et être opérationnels très rapidement. C’est donc le rôle des managers et des ressources humaines de freiner cette pression pour bien réussir toutes les étapes d’une bonne intégration et de la bonne connaissance de l’entreprise dans son ensemble » conseille, en guise de conclusion, Olivier Berenger, consultant au sein du département Commerce et Distribution chez Mercuri Urval.
Lucile Chevalier*
publié par emploi-pro.fr.
Enquête réalisée auprès de 445 personnes, consultées en juin et septembre 2011.
Maintenir la motivation et l’implication de ses collaborateurs est autant un enjeu de rationalité économique – préserver au maximum le potentiel de production de l’entreprise et éviter la paralysie – qu’un besoin subjectif : à travers le dynamisme et le comportement positif de ses collaborateurs, le chef d’entreprise puise des ressources précieuses pour galvaniser son énergie et nourrir sa propre motivation.
En pratique
1. Repérez les signes de démotivation chez vos collaborateurs.
Le meilleur indicateur est sans doute plus la fréquence des pauses que leur durée: la multiplication de pauses café ou cigarette trahit une baisse d’assiduité, de concentration, corrélée souvent à une baisse objective du plan de charge. Un autre indicateur de démotivation est la répétition de manifestations d’humeur, de mauvaise volonté, de railleries, entre salariés comme vis-à-vis de l’encadrement.
2. Prévenez les risques de démotivation, ou anticipez-les.
Certains événements de la vie de l’entreprise seront à coup sûr démoralisants et déstabilisants : mesure de licenciement, départ effectif de collaborateurs licenciés, non-reconduction d’un gros contrat stratégique… Ils doivent vous inciter à accroître votre présence auprès des équipes, à donner des marques d’attention, à prendre la parole pour expliquer votre décision, et entendre en retour les questionnements de vos collaborateurs, leurs angoisses. Ces derniers doivent sentir qu’ils existent à vos yeux. Même s’il n’est pas toujours facile d’aller affronter leur regard, ne laissez pas la distance s’installer entre vous.
3. Comblez au maximum les vides d’activité, en répartissant le plus équitablement possible les missions et les tâches, en multipliant les projets transverses, qui favorisent les synergies de groupe. L’enjeu est d’occuper intelligemment vos collaborateurs, afin que le climat social ne se dégrade pas et que personne ne voit ses compétences s’amoindrir.
4. Appuyez-vous sur quelques piliers de l’entreprise pour faire passer des messages, inspirer des attitudes, maintenir une dynamique de groupe. Ayez toutefois à l’esprit que certains collaborateurs fiables et mobilisateurs en période d’activité normale peuvent être complètement déstabilisés en période de crise, quand d’autres peuvent au contraire s’y révéler, faire preuve d’une combativité exemplaire.
5. Faites preuve de souplesse et de compréhension dans votre management.
Face aux angoisses suscitées par la crise, il est légitime que les salariés aspirent à se retrouver, à partager leurs inquiétudes, au sein même de l’espace de travail. Ces temps d’échange sont précieux pour entretenir un lien et une conscience du collectif. Néanmoins, passé le temps de la stupeur, les équipes ne doivent pas rester captives de leur morosité et doivent savoir se remettre au travail. À charge pour vous de les y inciter avec justesse et fermeté.
Alerte rouge !
Lorsque vos collaborateurs multiplient les pauses, à fréquence de plus en plus rapprochée.
À retenir :
Le management des équipes en période de crise doit être une combinaison équilibrée de fermeté et de compréhension, afin de responsabiliser chacun sans provoquer d’inutiles tensions. La motivation dans l’entreprise est un cercle vertueux, l’attitude du chef d’entreprise influençant celle des collaborateurs, et inversement.
Publié par Nicolas Doucerain
On pensait en avoir fini. S’imaginant que la génération Y était enfin casée, non sans mal, intégrée dans la vie active, non sans difficultés. Et voilà que la vague suivante déferle, une génération Z que Georges Nurdin dépeint pour Le Nouvel Economiste. L’homme sait de quoi il cause. C’est le directeur de la filiale internationale de l’ESG, Paris School Of Business, qui rassemble des étudiants de 70 nationalités différentes. Il se coltine tous les jours les 18-23 ans qu'il décrit dans cette interview. On sent dans ses paroles comme un besoin de verbaliser.
L’ex-cadre de multinationales devenu prof en chef en a gros sur la patate. Ces jeunes qu’il côtoie tous les jours, il les décrit comme une génération d’incultes, sans mémoire, pour qui l’histoire commence avec Mark Zuckerberg, qui se complait dans la spontanéité de l’instant et qu’il qualifie de peu tolérante à la souffrance.
Morceaux choisis :
« Ce qui retient leur attention un temps parce que c’est nouveau et dans l’instant, cesse de les intéresser la seconde d’après parce que, pour eux, cela relève déjà du passé. » Des poissons rouges, en quelque sorte.
« Normalement, on cesse de considérer que le monde est né avec soi dès que l’on sort de l’enfance et que l’on comprend qu’il existe un contexte autour de sa propre histoire. Or ce n’est pas le cas avec cette nouvelle génération. » En résumé : ce sont de grands enfants naïfs.
« Une étude assez récente sur l’évolution du quotient intellectuel moyen montre que l’on est de plus en plus intelligent jusqu’aux années 90, après quoi, on constate une dégradation assez rapide. » Les Z seraient donc des cousins des lapins crétins.
Voilà donc, selon le principe de G.N., une génération d’écervelés, sans culture, sans mémoire et totalement biberonnée aux réseaux sociaux. Quelques millions de jeunes pour qui @Jules_César n’a d’existence que s’il est présent sur Twitter, avec ses cohortes de légionnaires followers. A ces bons petits gars et filles de la famille Z qui ne raisonnent que dans l’immédiateté, leur prof ajoute au bic rouge qu’ils sont inaptes au monde de l’entreprise.
Alors il s’échine : « j’ai remis les humanités au programme – notamment des cours d’histoire », histoire de leur apprendre le long cours du temps. Car, précise-t-il, l’entreprise se construit de projets à moyen et long terme. 4 ans pour développer une auto, 10 ans pour un avion. Il prend son rôle à cœur, Georges Nurdin. Il estime qu’il est, avec ses collègues, « la dernière pompe avant l’autoroute. » Celle de l’emploi et de l’entreprise.
Ce cri d’alarme est bien sûr salutaire, et le boss de la Paris School Of Business implore le système scolaire, et les jeunes eux-mêmes, de changer, de s’adapter pour mieux s’intégrer.
Mais les entreprises ? N’ont-elles pas un tout petit rôle à jouer dans cette affaire ? Du paternalisme du 19e siècle aux start-up d’aujourd’hui, ont-elles changé parce que leurs dirigeants en avaient une furieuse envie ? Ou parce qu’elles ont été obligées de se bousculer à cause des évolutions sociales et comportementales de leurs collaborateurs ?
Et les directions des écoles, internationales ou pas, ont-elles évolué ?
Par Sylvia Di Pasquale