Le KM est un cercle collectif vertueux qui fait émerger la valeur de l’information et des connaissances. Sophie Lafourcade
Consultante en Knowledge Management et coaching, Sophie Lafourcade a développé son parcours professionnel notamment dans l’industrie pharmaceutique. Elle nous livre sa vision du KM qui a pendant longtemps été un mot « tabou » en France mais qui est en train de gagner ses lettres de noblesse maintenant que son ROI est plus visible.
Le Knowledge Management est une alchimie
Le Knowledge Management (KM) est un concept large qui peut être considéré comme une compétence collective de mise en action de savoirs, de savoir-faire, de savoir-être; une « alchimie » qui provient des interactions entre des connaissances (qu’elles soient individuelles ou présentes au niveau de l’organisation dans son ensemble), des pratiques et des attitudes (Durand, 2000).
Quels sont ses bénéfices ?
Le déploiement d’une culture de KM ne se déclare pas, il se vit collectivement parfois pas à pas, expérience après expérience. C’est un processus de catalyse active dont les bénéfices se situent à plusieurs niveaux :
- à l’échelle de l’organisation : une organisation apprenante, agile, créative, réactive en situation de crise, innovante, pionnière dans le lancement de nouveaux produits ou services,
- à l’échelle individuelle : valorisation de compétences spécifiques, reconnaissance collective, amélioration des « postes de travail »,
- à l’échelle collective : création de relations de qualité, de reconnaissance des complémentarités et découvertes de compétences jamais exprimées ; stimulation de l’intelligence collective à des fins partagées.
Le KM est un véritable cercle collectif vertueux : expérimenter, apprendre, transmettre
Au delà de la dimension philosophique ou conceptuelle, souvent décriée, il s’agit d’un engagement dans des démarches précises, concrètes et collectives ayant pour objet l’émergence de la valeur des informations et des connaissances disponibles dans la communauté concernée. Ces existants sont plus ou moins bien connus, organisés, accessibles, reconnus… sans qu’il s’agisse pour autant de déployer les mêmes actions de KM partout et pour tout bien entendu.
Le Social KM pourrait être un pléonasme et pourtant…
Le Social KM pourrait être un pléonasme et pourtant, là où nous avons longtemps fait activement et consciemment du KM sans le dire, sans en parler avant de pouvoir montrer les résultats, les réseaux sociaux et le social networking nous plongent aujourd’hui au cœur d’un autre mouvement.
Le Social sharing est une réalité, parfois éphémère, difficile à appréhender, à capter, probablement impossible à organiser dans le sens où nous pouvions ou devions le faire jusqu’ici. Les technologies du Social sharing créent de nouveaux degrés de liberté dans les échanges et les partages donnant lieu à l’émergence de nouveaux contenus (pour ne les appeler ni information, ni connaissance). Il nous faut les considérer tant du côté des avantages que des inconvénients qu’ils génèrent vis-à-vis des intentions et des cibles du KM et donc pour les organisations professionnelles. Il nous faut aussi les considérer vis-à-vis des changements de comportements et de compétences dont l’existence est en œuvre en dehors de l’entreprise.
Evolution de l’autonomie des clients
Les bénéfices à en attendre se définissent stratégiquement et se déclinent ensuite sur un plan opérationnel en projets, sous-projets… Les bénéfices portent sur :
- la qualité et l’innovation des produits et des services (Aller vers plus de fluidité pour favoriser l’innovation tout en développant des interactions de qualité)
- la gestion de la visibilité et de l’image (e-réputation, positionnement concurrentiel),
- la performance (acquisition de compétences, démultiplication de l’efficacité collective)
Les bénéfices portent aussi sur les métiers en permettant de diminuer ou supprimer les tâches redondantes ou sans valeur ajoutée, libérer du temps pour la valeur ajoutée pouvant être apportée par chacun, faciliter certains processus, améliorer certaines méthodes, « modéliser » certains succès ou échecs… Et puis les bénéfices sont aussi de pouvoir capter des signaux forts ou des signaux faibles dans les contenus disponibles en interne et ou en externe (BDD, CRM, intranet, internet et réseaux sociaux, connaissances des experts, connaissances quotidiennement acquises des acteurs de terrain au contact direct des clients ou usagers…), faire circuler et commenter les raisons, permettre l’explicitation et la convergence des regards des différents experts d’une organisation, les mettre en perspective avec la stratégie de l’entreprise autant de gages de succès, de créativité, d’agilité.
Le jargon et les approches théoriques a priori peuvent devenir des freins
Les facteurs tels que le jargon et les approches méthodologiques et théoriques, quand ils sont posés comme des a priori, deviennent des freins. A l’inverse ils sont des accélérateurs dès qu’ils sous-tendent et supportent les étapes de la démarche. Le sentiment de perte de temps, d’alourdissement des tâches quotidiennes ou encore l’absence d’identification des enjeux demeurent souvent des freins. Parfois, alors même que la communication sur la démarche de KM est excellente, les changements impliqués sont perçus comme étant trop laborieux, et le projet est alors voué à plus ou moins court terme à l’échec. Les changements induits peuvent aussi être perçus comme des outils de rationalisation des organisations comportant des risques de perte d’emploi.
L’importance de valoriser l’expertise métier et la spécificité individuelle
Il est fondamental de bien définir à quelles fins partagées nous faisons du KM ou du social KM, (innovation, gestion de crise, aide à la décision et à l’action, image et visibilité,…). La définition d’un schéma directeur à la fois global et précis en lien avec la vision, la culture et la stratégie de l’organisation, de même que la communication sur ce schéma, favorise la compréhension, l’adhésion et l’engagement même si ces facteurs ne sont pas suffisants. Chacun doit pouvoir clairement identifier les avantages qu’il a ou aura assez vite (!) à contribuer à ce type de projet. Parmi les leviers disponibles au sein d’une communauté, il existe un double moteur : c’est celui de la valorisation collective de l’expertise métier et de la spécificité voire de la subjectivité individuelle. Ces facteurs favorisent un esprit de co-construction, de co-délégation. L’intelligence collective et l’efficacité de la communauté s’en trouvent accélérées. Il ne s’agit pas de processus systématiques, applicables partout pour tout mais plutôt de développer les conditions et les moyens humains, méthodologiques, technologiques adaptés aux cibles définies. Amorcer la démarche concrètement là où en est l’organisation concernée, sans a priori, permet de satisfaire des attentes fondamentales qui vont nourrir le reste du processus. La démarche est alors lancée. La participation sur la base du volontariat est aussi l’un des éléments favorisant la responsabilisation et l’engagement.
Le Knowledge Manager est un catalyseur qui accompagne la valeur de ce qui est en train de se faire.
La mission du knowledge manager est d’observer, écouter et créer les conditions de l’expression d’idées, de besoins en interrogeant les salariés sur ce qui est quotidiennement facile ou difficile à faire seul ou ensemble. Le knowledge manager doit considérer que toute action ou expérience au quotidien peut être prétexte à amorcer une démarche de KM. Il doit se mettre dans une posture « méta » permettant de catalyser et d’accompagner la valeur de ce qui est en train de se faire. Son rôle est celui d’un facilitateur qui favorise le rapprochement des apports quotidiens de la démarche avec les objectifs stratégiques.
Mais surtout il doit garder en tête que tout ne mérite pas d’être capitalisé, tout ne mérite pas d’être capitalisé tout le temps, tout ne mérite pas d’être surveillé, tout ne mérite pas d’être surveillé tout le temps par tous, tout ne mérite pas d’être partagé, tout ne mérite pas d’être partagé tout le temps etc… La nécessité d’être dans cette dynamique est une évidence. Elle est aussi une difficulté ! Il s’agit alors de pouvoir mettre en place les processus de régulation qui s’imposent et qui passent par les acteurs du KM. Veillons sur le KM et faisons du méta-KM pour un KM dynamique, utile, fertile!
Sophie Lafourcade, diplômée de l’Université Paris 8, DESS en Sciences de l’Information, est spécialiste du management de l’information et de la connaissance. Elle a accompagné le changement lié à l’introduction de nouvelles technologies (GED, CRM, Intranet, Social networking) et aux transformations des organisations. Après une première expérience dans un contexte de R&D chez Servier, elle poursuit sa trajectoire chez Parke-Davis Warner-Lambert puis chez Pfizer pour y promouvoir une démarche de knowledge management et développer des méthodologies de veille. Elle a particulièrement travaillé à la mise en oeuvre de solutions innovantes en partenariat avec les experts dans des environnements complexes. Sa formation et ses vingt ans d’expérience dans le management d’équipes et de projets transversaux lui permettent d’intervenir dans le domaine de la mobilisation de l’intelligence collective à des fins d’innovation, d’aide à la prise de décision, de développement des compétences.